Le saut qualitatif de la foi dans la confiance est en
même temps aveu d'impuissance radicale : personne ne peut se rendre
acceptable par une image idéale de soi ! C'est impossible,
ça ne marche pas ! Ça conduit à une vie de mensonge, de devoir ou
d'imposition…Le choix est plutôt à faire dans le dégagement de la Plainte, de
la Menace vers la Grâce. Avoir une image idéale, la chercher, se la donner, la construire,
la fourguer dans l'espoir de se rendre acceptable, c'est la figure cachée du
désespoir campée dans le mensonge ou l'imposition…Le Royaume des cieux ressemble à une personne qui se rend
compte qu'elle ne viendra jamais à bout de ce qui pèse - la faute, la
culpabilité et le perfectionnisme -, qu'elle n'atteindra jamais une image
idéale d'elle-même qu'elle croyait nécessaire pour se rendre acceptable.
Elle accueille alors son impuissance radicale ; elle
s'ouvre ainsi à l'avenir, à la nouveauté. à l’autre/Autre avec confiance et gratitude ; elle
renonce à expier son malheur par une vie de devoir ou de mensonge qui exige que nous donnions toujours le change. Ici, la
dynamique de guérison est bien une résurrection : laisser venir le courage
d'oser être soi-même avec ses ombres et ses lumières en faisant face aux
autres. Nous voici libérés de notre passe-temps favori, de ce à quoi nous
tenons tant : la faute, la culpabilité, le perfectionnisme issu du désir féroce
de s'auto-justifier par le méritant-méritoire (la quête de tout ce qui pourrait nous apporter plus de mérites et de valeur personnelle). Nous avons à entendre
pourtant que notre culpabilité est relâchée, congédiée, que nous pouvons la
laisser partir et du coup faire de même envers les autres. Mais cela réclame de
se dé-centrer en réponse à une autorité supérieure…L'autre, mon semblable, n'est pas, plus TOUT : il est faillible comme moi! De même, JE ne suis pas TOUT ! Je peux être toutefois prisonnier du mensonge ou de l'imposition, en quête d'une sécurité illusoire; l'autre est comme moi embourbé dans la recherche éperdue de sécurité, de confort, de pouvoir, de gloire, de jouissances à tout-va ! Et cette quête nécessite de passer en premier ! Ce qui exclut l'amour fraternel car ce dernier est cadeau, don, jamais il ne peut être obtenu par une obligation
! Par l'usage de la force, celle de la contrainte, par des pressions psychologiques, du chantage affectif, par le mensonge, la ruse, la manipulation, la séduction, etc. Ce sont autant de mécanismes ordinaires qui génèrent de la frustration, du ressentiment, de l'angoisse, de la violence adaptative ou réactive, du mal-être en somme. Vouloir se rendre acceptable est mission impossible ! Car il faut qu'une instance extérieure décrète, manifeste en quoi chacun-e est acceptable ! Une telle instance sera toujours changeante, fonction de lieux et de situations de vie, donc variable, imparfaite, partiale, partielle. Vouloir se rendre acceptable est une souffrance paradoxale ignorée et taboue ! Elle dit simplement notre besoin humain d'une validation existentielle et notre besoin tout aussi important de concilience (donner un sens à ce que nous sommes, à ce qui nous arrive et à ce que nous vivons ou éprouvons). Il s'agit de laisser venir cette plénitude qui recherche, encore et toujours, ce qui est bien, bon, beau, juste, indispensable, utile, nécessaire ou agréable, sans céder à la violence, à la négligence, à la facilité ou à la paresse notamment. Elle ne s'imposera pas, cette plénitude, elle se donnera à vivre ; elle sera joie anticipée, humble réjouissance ; juste relation à toute chose, distance respectueuse parfois quand tout oppose. Mais aussi opposition ferme, revendication d'humanité ou d'humilité, refus de toute oppression, exigence d'une vie bonne pour tous, préférence pour la bonté, le bien présent et à venir ! Éloignement et tenue à distance de ce qui se joue dans la banalité quotidienne : l'usage de la ruse, de la force, du mensonge, de la manipulation, du chantage affectif et de la mystification pour obtenir satisfaction ou gain de cause. Cela n'aide pas à équilibrer nos corps physique, émotionnel, mental et spirituel : au contraire, cela nous en écarte, nous fait passer à côté de la vie. Placide Gaboury disait avec raison : « On ne détruit pas les ténèbres en luttant contre elles, mais en allumant la lumière. On ne détruit pas le mal en luttant contre lui, mais en faisant le bien. On ne détruit pas la haine ou la peur en s'acharnant contre elles, mais en laissant monter la tendresse-amour. C'est en allant vers l'est que l'on s'éloigne de l'ouest. C'est en allant vers plus de vie qu'on dépasse la mort. C'est en allant vers ce qui dure qu'on est libre de ce qui ne dure pas. » Il s’agit de bien camper le désir d’être dans cette conviction intime : L'être humain n'est complet, créateur et intelligent que s'il a reconnu sa source, son plan d'origine, l'énergie qui le soutient, le remplit, l'appelle infiniment. Et il n'est intelligent que s'il a retrouvé la bonté en lui.
Cette certitude mène à la joie divine, au grand désir que tout soit sauf en tous, par cet Accueil où chacun va comme il peut, d'où il est, comme il est, sans crainte ni désespoir, un humain parmi les autres. Naître là, dans cette Plénitude est lutte pour maintenir le désir que tout soit sans rudesse ni violence vécue dans la patience d'avancer à son pas comme dans le refus de (se)faire violence.
Oser être soi-même avec ses ombres et ses lumières, sans
rien vouloir cacher ni imposer à l'autre/Autre, c'est un état de grâce et de liberté retrouvé. Une vibration fondamentale qui nous redit: Il est bon que JE soit né, que chacun-e soit né-e!
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