Le
terme entropie a été
introduit en 1865 par Rudolf Clausius à
partir d'un mot grec signifiant « transformation ». Il caractérise le
degré de désorganisation ou de manque d'information d'un système. La néguentropie ou entropie négative, est un
facteur d'organisation des systèmes physiques, et éventuellement sociaux et
humains, qui s'oppose à la tendance naturelle à la désorganisation :
l'entropie. Il s'agira donc de savoir comment passer de l'un à l'autre, de comprendre et combattre ce qui s'y oppose.
Disons brièvement pour situer les enjeux:
Nous sommes esclaves de nos besoins : de sécurité, de confort, de pouvoir, de gloire, de richesse, de jouissances. Ce besoin nous taraude sans fin car un besoin comblé est vite remplacé par un autre ! Nous voici en prise avec la morsure du Néant, à situer entre cette quête d'idéal et le besoin de se rendre acceptable. une tension d'où surgissent la dramatisation ou la banalisation: la faute, l'auto-flagellation, la culpabilité mortifère, le besoin d'en faire des tonnes pour attirer l'attention, le perfectionnisme de la sériosité ou de la rivalité; dans ce piège, il n'y a pas de liberté: il
y a des mythes (sociaux, familiaux, religieux), des attentes et décrets intériorisés, des vouloir et des devoirs être; des peurs, des craintes, des tristesses, des frustrations, des ressentiments, des colères, des hontes, des gènes, des dégoûts, des blessures de n'avoir pu combler les attentes narcissiques de nos parents, celles des personnes qui comptent pour nous, pour qui nous aurions tant aimé compter. Le désir mimétique nous pousse à désirer ce
que l'autre a ou ce qu'il est, ou à entrer en rivalité ; en somme à dévorer ou vomir dans une quête de
maître ou d'esclave. S'aimer sans fureur ni férocité devient ici impossible : tout est à vif
!

« Vivre c'est pécher. S'installer dans le péché, c'est mourir » disait avec raison Françoise Dolto. En réalité, l'entropie, c'est la mort : l'entropie se caractérise par l'état d'un système qui tend vers un état d'équilibre ou d'indifférenciation, cet état étant synonyme d'immobilité et de potentialité zéro. Et là où il n'y a pas de mouvement, il n'y a pas de vie. C'est le péché dans
la foi judéo-chrétienne, la volonté de vivre sans Dieu. Et la course effrénée à la satisfaction de nos besoins égocentrés : à peine un
besoin est-il satisfait qu'un autre se profile. La lutte est sans fin ! Un perpétuel recommencement. Les Chinois parlaient de l'entropie à travers le couple du "yang" et du "yin" et enseignaient que le mouvement va toujours du "yang" (chaud, positif, masculin, concentré, centripète, actif, etc...) vers le "yin" (froid, négatif, féminin, étendu).
C'est la néguentropie ou entropie négative, qui est à l'opposé un
facteur d'organisation des systèmes physiques, et éventuellement sociaux et humains, qui s'oppose à la tendance naturelle à la
désorganisation et au chaos. C'est la grâce, le pardon et l'amour divin dans la tradition chrétienne qui nous libère de l'obsession du Soi.
Mais aussi et surtout l'encouragement à passer de la course à la satisfaction des besoins au désir d'être. « Il faut dépasser ces états
affectifs et ces sentiments d'indignité, de culpabilité. .. Savoir que tout est grâce, que tout est remis... Savoir enfin qu'aimer c'est
engendrer, susciter, éveiller, réveiller. C'est le contraire de vivre en circuit fermé, de posséder pour soi : richesse, savoir, pouvoir
(Dolto). »
En privilégiant la transformation, la recherche d'équilibre, il y a toujours recherche de stabilité entre les forces internes, passées ou présentes, d'un individu et les ressources
externes liées à son milieu : ces deux forces bien gérées, conciliées, évitent de nous disperser, d'être morcelé, avili, amoindri, appauvri,
réduit ou chosifié. En lien avec Dieu, l'équilibre sera toujours une Gestalt, une figure émergeant d'un fond, donc toujours à réaliser
dans l'instant comme consentement à tout ce qui est beau, bon, nécessaire, utile ou agréable non pas seulement pour moi mais pour
le bien de tous. La recherche d'équilibre est une transposition, une translation. Sortie de l'égo trip vers plus d'humanité ! Sortie du chaotique vers l'humanisation de l'humain. Cela veut dire apprendre à mieux se connaître, tout particulièrement ce qui se joue dans cette région de notre cerveau: Notre striatum, " ce nain ivre de pouvoir, de sexe, de nourriture, de paresse et d'égo" ne semble pas en mesure d'être muselé par notre cortex, notamment la partie qui gère, modère et planifie nos tentations. Se priver provoque souvent d'ailleurs un effet rebond comme l'atteste les régimes minceurs. Il faudrait oser une autre stratégie à travers la méditation en pleine conscience par exemple qui permet d'être présent à ce que nous faisons, ce qui stimule la production de dopamine, un plaisir obtenu différemment, un autre moyen de solliciter notre striatum (CF. l'homo oeconomicus).
L'urgence est bien réelle: en 200 ans d'industrialisation, les humains sont responsables de la 6è extension massive qui menace 75% des espèces animales; nous aurons bientôt contaminé l'air, l'eau et les sols... Provoquer un réchauffement climatique sans précédent, etc. Une profonde transformation de nos valeurs et de nos politiques va devenir une nécessité !
Nous pouvons l'amorcer individuellement déjà.
Sortir de l'égo trip, c'est apprendre à limiter et orienter le chaotique.
- Comme
l’écrivait Placide Gaboury « on ne détruit
pas les ténèbres en luttant contre elles, mais en allumant la lumière. On ne
détruit pas le mal en luttant contre lui, mais en faisant le bien. On ne
détruit pas la haine ou la peur en s’acharnant contre elles, mais en laissant
monter la tendresse-amour. C’est en allant vers l’est qu’on s’éloigne de
l’ouest. C’est en allant vers plus de vie qu’on dépasse la mort. C’est en
allant vers ce qui dure qu’on est libre de ce qui ne dure pas.»
-
Pour Maurice Bellet, l’ennemi, c'est la tristesse absolue, sans forme, sans mot ni visage, l’innommable. Elle est silence, communion avec l'en-bas. Déchéance - d'un être humain défait, méprisable, hors chemin, maudit – assimilée à la folie, la décrépitude, au crime, à la vie ratée, au mensonge. Rien n'est grandeur ni splendeur ; tout y est compulsion, obsession, haine, répétition de rite, chute et désespérance ; en tout premier lieu manque de cette première assurance qui devrait nous protéger de la haine et du goût de la destruction. L'en-bas campe dans la tristesse d'être, d'être là, qui je suis, de subsister sans remède. Cassure livrée aux émotions infernales, d'une irrépressible amertume qui contamine tout, sans que ça puisse se soigner.
Il va falloir sortir du mortifère! Le vouloir intensément et rester dans ce désir même quand les vents son contraires. Car les alternatives douteuses à la Vie sont la mort, le chaos, le non-amour et le néant! Ce chaos s'origine très souvent dans notre propension à user de tous les moyens pour avoir une meilleure vie et être mieux considérés, quitte à user de la force, de la ruse, de la manipulation, de la dette imposée, du chantage affectif, du mensonge, du bluff ou de la séduction pour arriver à nos fins, à satisfaction. Ce sont les moyens courants de l'égo trip campés sur le moi d'abord! Une dynamique qui crée de la désorganisation, du désordre, rarement le contraire. Une stratégie qui crée le plus souvent une chaîne de conséquences négatives.
C'est l'effet papillon: une théorie selon laquelle un battement d’ailes de papillon au Brésil peut provoquer une tempête au Texas. Selon l’expression, inventée par le météorologue Edward Lorenz, il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s’amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux. Cette notion ne concerne plus seulement la météo, mais s’applique également aux sciences humaines, à l’environnement.
L’effet boule de neige
Par exemple, l’utilisation en Europe de bain moussant, de pesticides ou de substances ignifugées bromées engendre la destruction des ours polaires du Groenland. En effet, ces toxines libérées dans l’environnement voyagent sur des milliers de kilomètres, polluent les eaux et s’accumulent dans les graisses des poissons et autres phoques, eux-mêmes ingérés par les ours. Au final, les plantigrades concentrent tous les polluants et souffrent de troubles du comportement, de la reproduction ou encore de la croissance.
Dans nos vies quotidiennes, ce sont les boucles de rétroactions positives ou négatives, les placébo et nocébo, issues de nos convictions intimes. Il a été démontré que, pour qu'un système soit multistationnaire, il faut qu'il y ait une boucle de rétroaction positive entre certains de ses éléments. Cela signifie que certaines des interactions se bouclent sur elles-mêmes (boucle de rétroaction) de telle sorte que chacun des éléments de la boucle agisse in fine positivement sur soi-même (rétroaction positive). Il s'agit d'une forme de causalité circulaire.

- C‘est oser l’innovation du mouvement convivialiste : « Le seul ordre social légitime universalisable
est celui qui s’inspire d’un principe de commune humanité, de commune
socialité, d’individuation, et d’opposition maîtrisée et créatrice. » Un ordre qui nécessite le développement de notre cerveau moral à travers le sens de la justice, du partage, de la collaboration, le refus de souffrir et de faire souffrir, le sens de l'empathie, de la compassion ou de l'altruisme.
Rien se se fera sans effort ni sans exercices. Une décent ration est nécessaire:
Le chaotique ramène tout à Soi: sa personne, ses aises et plaisirs, ses intérêts, ses dons et compétences, ses besoins et désirs, etc. Le chaotique campe dans le désir mimétique: la rivalité et la convoitise. Tout se fait dans des affrontements et des alliances.
La néguentropie privilégie au contraire l'équilibre du système, la vie bonne pour tous dans des institutions justes, la paix, la justice, l'abondance, la sécurité et les relations fraternelles. Elle est une recherche orientée: de joie bien sûr dans le libre don, le respect et le soin mutuel. Une recherche qui reste toutefois lucide car nous générons du chaos même en étant bien intentionnés! Nous restons habités par des peurs, des doutes, des frustrations, des ressentiments, des culpabilités, des hontes, etc., qui fonctionnent comme des trous noirs destructeurs de Vie.
La néguentropie nous encourage à desserrer l'étreinte de l'égo, du Moi, du mental, en recherchant un meilleur équilibre entre notre quotient émotionnel, relationnel, intellectuel et spirituel, car en réalité nous souffrons de nos attachements excessifs au monde et aux autres, aux regards surtout que nous portons sur tout. Nous créons des rebonds de souffrances et de désespérances; c'est un fait même si nous n'en sommes pas toujours conscients. Pire: nous trouvons normal certains comportements qui sont pourtant maltraitants et malveillants comme les bizutages ou les répliques cinglantes sur les réseaux sociaux.
La néguentropie nous encourage à oser le respect mutuel:

L’anesthésie
affective et l’enfermement en soi-même sont des expériences beaucoup plus
communes qu’on ne veut bien l’avouer. Car, pour la plupart, nous ne croyons pas
– ou plus – à la possibilité d’un amour véritable, vivant, puissant sans être
dévorant. Et ce n’est pas l’idéologie de l’amour tel que l’a enseigné un
certain christianisme qui peut nous être d’un quelconque secours : il nous
emprisonne au contraire dans une relation mortifère. Lytta Basset nous montre
pourtant qu’existe en chaque personne une étonnante réceptivité à l’amour,
prête à s’épanouir dès lors que l’on consent à accueillir le manque comme une
bénédiction. L’amour qui se sait indigent laisse la place à un « souffle de
vérité » qui déstabilise, mais pour venir à bout des confusions, blocages et
ressentiments. Il mène alors à la découverte d’une « part de feu » en soi dont
on ne savait rien. Ce feu, ce souffle qui traversent tout être humain, sont
ceux dont parle l’Évangile. Nous sommes invités à nous y exposer, hors de toute
contrainte sociale, morale ou religieuse, pour accéder à des relations
affectives fécondes en osant la bienveillance.