![]() | Peut-on réellement passer de la grimace au sourire? L'effort volontariste est-il la panacée ? L'illusion pourrait bien être mensongère car en vérité les blessures d'abandon, d'humiliation, de trahison ou d'injustice ont été le fait de personnes malveillantes et/ou maltraitantes qui comptaient pour nous ! Nous nous sommes construits tant bien que mal. En réalité, nous dira Françoise Dolto « Les humains ne perçoivent leur existence individuelle que par les entraves, les blessures et les mutilations qu'ils ressentent en leur corps et leur cœur. Ils "se fabriquent" par des émois contrés, quand celui qui les contre est aimé, respecté, désiré. C'est cette expérience, cet affrontement qui, au jour le jour, déterminent leur histoire personnelle. » Cela peut conduire au développement de faux moi : la personne adopte pour se protéger une attitude courtoise, soumise et pleinement adaptée aux normes en place. Elle peut aussi intellectualiser le réel en se coupant des émotions, des affects ou des actes créatifs. Certains faux moi seront introvertis, plutôt secrets ou rêveurs, d’autres seront extravertis et vont privilégier l’affirmation de soi, l’agressivité et la combativité. Nous produirons tous une forme de moi idéalisé. Toutefois, les exigences du moi idéalisé sont impossibles à satisfaire même si nous ne renonçons jamais à y parvenir. Être parfait ou se montrer toujours à la hauteur est impossible. Cela provoque des boucles de frustration, colère, ressentiment, d’anxiété et d’angoisse que nous parvenons à contrer en faisant porter la responsabilité de l’échec au monde extérieur, aux autres, à la vie ou encore à pas de chance. Mais tout cela va se traduire par des sentiments de culpabilité, d’échec, de frustration et de honte qui sont les signes les plus évidents des méfaits du moi idéalisé. Chercher à satisfaire ce tyran intérieur est sans fin et sans véritable épanouissement. Mieux vaut lâcher prise. |
Rassembler ses esprits
Pour
Thierry Tournebise, nos forces font sens dans la stabilité réelle,
l’intégration de ce qui est vécu se produit grâce aux ressources internes,
passées ou présentes, et grâce aux ressources externes présentes dans
notre vie.
Les ressources internes sont : l'énergie physique, un
passé relativement heureux, le fait d'avoir été apprécié par ses parents,
d'avoir réussi des projets importants, d'avoir été entouré par des amis,
etc.
Les
ressources externes sont : essentiellement la qualité de l'environnement
humain, mais aussi d'avoir des projets, d'avoir un certain confort de
vie... on peut en somme concilier en soi toutes les parties de soi qui nous
habitent. Tous ceux que nous avons été fonctionnent alors ensemble,
harmonieusement… de concert. On pourrait dire que la personne a ici
la capacité de ne pas être éparpillée. Elle a « rassemblé ses esprits
» et constitue un ensemble cohérent et stable. Seule l'authenticité pour nous y aider vraiment: être vrai, être soi, être dans l'instant, en interaction avec l'environnement et les autres.
Nous aurons ainsi à :Combattre la négativité, c'est reconnaître qu'elle vit en nous et autour de nous, c'est donc accepter d'être vulnérable et vulnéré, envahi, touché ou débordé par cette négativité envahissante et aliénante. C'est aussi bien évidemment en sortir: en nous efforçant de voir le bien et le beau en soi et en l'autre comme dans le moment présent. C'est le réclamer, l'offrir librement. Jésus Christ nous y invitait à travers cette question anodine:
Que faites-vous d'extraordinaire, demande Jésus à ses disciples (Mt 5,47)?
Dans ce texte d'Évangile, Matthieu entend mettre l'accent non
pas tant sur le caractère désintéressé que devrait avoir tout Amour, mais
plutôt sur une attitude surprenante destinée à rompre les comportements
habituels de clans ou de classes. L'extra-ordinaire consiste à nous replacer
dans cette vie suffisamment bonne, d’y inviter y compris l'ennemi, un frère ou
un parfait inconnu. Il y a donc un bénéficiaire à qui est destiné un message,
une invitation – ou une incitation traduite en acte, en geste ou en parole -, à
sortir des sentiers battu:
Ici, notre Esprit en action rempli d'Amour conteste et transgresse l'absurde en choisissant en quelque sorte l’envers du décor, ce qui paraît impensable ou impossible.
Cette pro-vocation non-violente - en tant que vocation pour l'amour fraternel - requiert une attention indubitable à l'Instant, à ce qui se passe ou se présente, doublée d'une pédagogie adaptée aux circonstances comme au receveur potentiel. Elle est une transgression volontaire, un saut qualitatif, un performatif par lequel sont dépassés nos addictions, nos douleurs pour que puisse advenir un nouveau futur, de nouvelles possibilités. Voici comment Philippe Guillemant l'illustre:
C'est toujours un saut dans la nouveauté, dans ce qui se présente, un possible parmi les possibles. Ce consentement a lieu si nos forces le permettent sans obligation extérieure ou intérieure. Ici, vivre c'est aimer, c'est
engendrer, susciter, éveiller, réveiller. C'est le contraire de vivre en
circuit fermé, de posséder pour soi: richesse, savoir, pouvoir (F. Dolto). Ici, vivre c'est quitter le mortifère, celui dont Maurice Bellet dénonçait:
« L’impuissance ou
le refus à vraiment naître, la contre-naissance qui est, pour qui l’éprouve,
condamnation de son existence même.
La violence, qui fait de l’autre un esclave, une chose ; l’amour y est, en vérité, haine, et
même plus bas ; mépris.
La solitude, l’enfermement en soi-même, et d’abord par le
corps même : nul autre à aimer.
L’enfermement dans le
semblable, l’effet de miroir qui stérilise la relation.
Le règne des fantasmes,
de l’imaginaire qui réduit l’autre à ce qu’on y
projette.
La violence qui s’exerce par l’argent.
La tromperie, la trahison, l’abandon.
La stérilité. On peut y être jeté, on peut le faire
subir à l’autre. »
Des malveillances, méchancetés, maltraitances, violences identifiées, débusquées et démasquées pour ce qu'elles sont: du non-amour. Nous avons réellement le choix de ne pas obéir au Néant, au chacun pour soi, etc.